Il arrive que pour des raisons d’indisponibilité ou de la présence sur d’autres fronts, on soit amené à confier la gestion de son entreprise à des parents, des amis ou des employés. L’expérience de la gestion des enterprises, ce n'avait pas toujours été reluisante. Découvrez pourquoi il vaut mieux s’occuper de son entreprise soi-même, ne serait-ce qu’aux tout débuts !

Des expériences désastreuses d’entreprises confiées

« Il faut un ange pour élever vos enfants mieux que vous. Sinon au dernier moment, il manquera du cœur et s’il a du cœur, ce n’est pas le sang de son sang », confiait un haut fonctionnaire qui venait de perdre 350 millions dans une entreprise dont il avait confié la gestion successivement à son neveu, à un gérant, à son frère et à son épouse. « Je n’avais pas le temps, je suis fonctionnaire et l’activité commerciale que je développais était en quelque sorte incompatible avec ma fonction de diplomate. Mais vous savez la tentation est toujours grande lorsque vous voyagez et que vous découvrez des opportunités d’affaires que vous désirez exploiter. Je ne pouvais pas mener cette activité moi-même à moins que je démissionne de mon poste de diplomate. Ce fut une expérience désastreuse. Si je devrais recommencer je présenterai les opportunités que je découvre à un homme d’affaire fut-il un ami ou non (il me le reconnaîtra tôt ou tard) plutôt que d’avoir laissé mes choix diviser ma famille. Aujourd’hui, je suis en contentieux avec ma propre épouse avec plus 210 millions en jeu ».

L’expérience de notre ami diplomate n’est pas l’une des rares expériences. Les travailleurs immigrants qui pour préparer leur éventuel retour créent des activités sur place dans leur pays d’origine sont encore plus victimes de la gestion faible des entreprises. Combien ne sont-ils pas à construire des immeubles dont ils confient la gestion à des parents pour ne jamais percevoir de loyer. « Mon propriétaire béninois vit au Gabon. Il y a quelques mois, il a décidé de mettre sa villa en location, confie Gérard MENSAH, un  résident togolais au Bénin, « Ne sachant à qui confier la gestion de son local, il s’en remet à un entrepreneur qui devrait assurer les travaux de rénovation et assurer la gérance de la mise en location. Non seulement il n’aura jamais effectué les travaux pour lesquels il aura perçu plus d’un million cinq cent mille francs CFA, mais il n’a jamais versé ni les avances ni la caution de 950.000 F CFA que je lui ai payées. Finalement je me suis retrouvé dans un contentieux au milieu du propriétaire et de l’entrepreneur ne sachant à qui m’adresser. Mais comme je vis la même situation avec mon appartement mis en location à Lomé, j’ai compris qu’il n’y avait rien à faire, il me fallait déménager. Mais cette expérience m’a permis de comprendre encore une fois qu’on ne peut faire confiance à personne. Il vaut mieux gérer soi-même ».

L’entreprise a besoin de son entrepreneur

La conclusion de Gérard MENSAH est  peut-être justifiée mais ce n’est pas seulement une question de confiance. Le vrai problème c’est que l’entreprise a besoin de son entrepreneur. La gestion efficace des enterprises exige un gérant plein d'assurance. Comme l’explique Jean-Christophe ANEWO, les entrepreneurs engagés à 100%, s’en sortent à peine, quand serait-il de ceux qui y passent à peine 10% de leur temps. « Je suis entrepreneur moi-même. Je passe 200% de mon temps à travailler et  à détecter des voies et moyens pour développer mon entreprise. Ce n’est pas parce que je suis un mauvais gestionnaire encore moins parce que je refuse de déléguer. Je pense que lorsqu’on plante un arbre, il faut absolument se donner le temps de l’entretenir avant de confier sa survie à la pluie.

J’ai aujourd’hui 53 ans, c’est l’âge de la retraite, je devrais naturellement quitter mon entreprise et en confier la gestion à mon fils mais je dois vous avouer que je n’ai pas préparé la relève. C’est d’ailleurs ce à quoi je m’atèle actuellement. Mais au-delà, je crois que l’entreprise a besoin de son entrepreneur. Vous êtes le porteur de l’idée et de la vision. Il faut s’investir intégralement dans son entreprise surtout dès les débuts. Je constate avec tristesse que c’est à cette étape que les gens gardent encore des emplois dans une autre entreprise de peur de ne pouvoir s’offrir le même niveau de vie. Pour nous qui sommes présent à 100%, ce n’est pas évident, je ne vois pas par quel miracle, ceux qui ne sont présents que 20% du temps, entre midi et 14heures ou entre 19heures et 21heures, s’en sortiraient. En effet, je ne suis pas surpris que cela ne marche pas».

Alain COLY suggère d’avoir le courage nécessaire pour s’engager pleinement dans son entreprise. « Les modou modou (immigrés sénégalais en Italie) sont victimes de l’escroquerie de leurs propres parents. Ce qu’ils se disent, c’est qu’il vaut mieux effectuer un retour progressif. Je ne suis pas contre le fait. Mais lorsque vous lancez votre entreprise, vous qui y croyez et que vous n’avez que quelques jours pour expliquer vos objectifs à un gérant (employé, ami ou parent), il ne réussira jamais à vivifier l’entreprise. C’est vous qui le ferez. Je conseille en général aux immigrés de se concentrer sur les activités sur leurs terres d’accueil, de préparer leur retour et revenir se consacrer à leurs rêves d’entrepreneur. Je dois avouer que les deux ne sont pas possibles simultanément – si ce n’est pas votre argent, c’est les navettes qui vous ruineront  progressivement ».

Celui qui y croit et l’aime le fait mieux quand c’est pour lui

« Seul celui qui  initie un rêve peut le réaliser efficacement. Une entreprise qu’on crée c’est comme un chiot que l’on chouchoute, nourrit progressivement pour qu’il assure demain la sécurité de la maison. On voit bien comment les autres membres de la famille ou de la concession ont vite fait de mépriser ce chiot. C’est la même chose pour la gestion des enterprises. Lorsque vous la créez, occupez-vous en jusqu’à ce qu’elle passe l’âge de la petite enfance. Ceux à qui vous le confierez ne pourront jamais le faire autant que vous » explique André KOMI.

N’est-ce pas qu’on s’occupe mieux de ce que l’on aime ? N’est-ce pas qu’on y consacre tout son temps, toute son énergie et tout son argent ? Si vous voulez créer votre propre entreprise et vraiment, dégagez du temps, abandonnez tout et consacrez-vous y. « Au départ, j’ai choisi d’envoyer du matériel informatique au pays. Mon cousin les recevait et les plaçait. Le problème c’est que même lorsque le client paie à 100% ou à 30%, on me dit qu’il a acheté à crédit. J’ai compris qu’il vaut mieux que je m’y mette moi-même. J’utilisais mes vacances annuelles pour ramener une quantité importante de matériel. J’ai pu constater par moi-même que le marché est très porteur. Je suis rentré depuis deux ans et je vends le matériel moi-même et avec beaucoup de passion. Ce qui importe pour moi ce n’est pas les marges que je fais sur chaque matériel vendu. La vérité, c’est que je m’y plais vraiment», témoigne Souleymane Boladé.

Il y  a en effet cette joie de s’y mettre. Si vous décidez de créer votre entreprise, donnez-vous à fond. Non seulement vous le ferez mieux que quiconque mais vous y trouveriez vraiment de la joie.

Si vous ne pouvez être présent, mettez vos millions dans un DAT

Vous découvrez une opportunité et vous avez vraiment envie de la saisir, Christian CAKPOVI, consultant togolais en création d’entreprise, vous suggère d’abandonner tout et de vous y mettre vraiment. « Si vous ne pouvez tout abandonner pour votre entreprise, n’abandonnez pas votre argent. Placez-le dans un compte de dépôt à terme (DAT) ; même si c’est à 3% vous êtes sûr au moins que l’argent sera là jusqu’à ce que vous soyez prêt à vous lancer et à vous consacrer entièrement à votre entreprise. Il n’est pas dit que ce n’est pas prudent de créer une entreprise et d’en confier la gestion à quelqu’un d’autres mais ce qui est maladroit c’est de penser qu’on peut créer sa propre entreprise par une autre personne. La méthode de la mère porteuse n’est pas du tout efficace en gestion des entreprises. Ce que je conseille à mes clients, c’est de s’engager pleinement dans leur entreprise pour la porter jusqu’à ce qu’elle décolle. Certaines grandes entreprises permettent à leurs employés de bénéficier d’une mise en disponibilité pendant deux ans. Cette période ne suffit pas à faire décoller une entreprise. Mais la dernière fois où une cadre de banque s’est adressée à moi pour la création de son entreprise, je lui ai demandé de solliciter une mise en disponibilité pour se consacrer à son entreprise pendant deux ans, le temps qu’elle décolle et qu’elle la confie à une autre personne. Ça fait quatre ans que ça dure. La vérité, c’est qu’elle a fini par démissionner de son entreprise même si jusque-là son revenu est divisé par 2. Savez-vous ce qu’elle m’a confié la dernière fois ? : « J’y trouve vraiment du plaisir ». Je n’ai jamais réussi à me payer plus de 400.000 F CFA depuis 4 ans que j’y suis ; comparé à mon salaire précédent de 847.432 F CFA. J’aurais pu être entrain de gagner 1,7 millions actuellement mais j’aurai peut-être tout englouti dans une entreprise gérée par un autre avec désengagement ». Sans vous mentir, elle a parfaitement raison », conclut Christian CAKPOVI

Extrait du numéro 18 du magazine L’Impulsion des PME